dimanche 7 décembre 2025

Terrifier

Paris, 1795

Nous avons vu que terroriste, terrorisme et terroriser sont des mots de la Révolution, apparus dans cet ordre. Quid de terrifier ?

La 7e édition du Dictionnaire de l’Académie ne permet guère de distinguer les deux verbes :

Terroriser : Frapper de terreur, d’effroi ; inspirer une crainte très vive. L’orage terrorise les chiens. Ces menaces l’ont terrorisé. Des bandes armées terrorisaient la campagne.

Terrifier : Frapper de terreur, épouvanter. Ces cruelles exécutions terrifièrent le pays. Il fut terrifié par cette nouvelle.

Aujourd’hui terroriser exprime un degré supérieur d’intensité et de durée : c’est non seulement frapper de terreur, mais faire vivre dans la terreur. Cependant les exemples cités ci-dessus semblent montrer qu’ils furent d’abord parfaitement interchangeables.

Terrifiant, sous forme d’adjectif ou de participe présent, est plus ancien ; il qualifie l’effet produit par la majesté divine ou royale (« un terrifiant éclat »), et l’on s’étonne qu’il soit longtemps passé entre les mailles des filets des lexicographes. Mais terrifier ne se rencontre pas avant 1795 : chez Snetlage (« Les exemples terrifient les coupables et les traîtres à la Patrie ») et chez d’Ivernois :

Ce même Ministre [Dubois-Crancé], qui avait commis l’épouvantable crime de déciviliser et de terrifier toute une nation, mais qui venait de se faire pardonner en lui jurant qu’il avait mis fin pour jamais au règne de la terreur, et en ouvrant les prisons d’État, le voilà qui l’encombre de quatre cents victimes d’un nouveau genre.

1795 : c’est précisément l’année où le Journal des lois la république dénonce les agissements d’un commissaire jacobin qui osait, « au nom d’une loi qui n’existait pas, violer les lois les plus sacrées de l’union et de la fraternité », arrêter une députation à la porte de la Convention « en la morcelant pour la terroriser plus facilement et peut-être pour l’égorger avec plus de facilité »

« Nous allons terroriser les terroristes », promettait en mars 1986 le ministre Charles Pasqua, s’appuyant quant à lui sur des lois qui allaient bientôt exister, les « lois Pasqua » de 1986 et 1993; qui n'eurent guère l'efficacité escomptée

 

Sources : Dictionnaire de l’Académie, 7e édition, 1878 ; Léonhard Snetlage, Nouveau dictionnaire français contenant les expressions de nouvelle création du peuple français, Göttingen 1795 ; Francis d’Ivernois, Coup d’œil sur les assignats […], 6 septembre 1795, p. 70 ; Guglielmo Francesco Galletti, Journal des lois la république une et indivisible, 22 mars 1795.

 

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Goya, 1799


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