samedi 18 février 2023

Débaptiser

 Paris, novembre 1793

Dans un chapitre de L’An 2440 intitulé « Le pont débaptisé », Louis Sébastien Mercier affirme que « rien n’influe plus sur l’esprit d’un peuple » que le nom des choses . C’est la première fois que « débaptiser » désigne une activité bientôt associée à la Révolution française.

Le projet le plus connu est sans doute celui que le ci-devant marquis de Sade présenta à sa section des Piques, en novembre 1793, afin de « changer le nom des rues qui portent des inscriptions proscrites, ignobles ou insignifiantes » : « La rue Saint-Lazare s’appellera : rue de Solon. Ce Grec fameux, ennemi des rois, qui refusa de l’être, qui donna des lois si sages à Athènes, doit être en inscription sur l’une des rues de Paris : chaque citoyen, en élevant les yeux, et voyant ce nom pour régler sa marche, se souviendra que les principes de celui qui le portait doivent aussi régler sa conduite. » Les changements ne se faisaient pas au coup par coup, mais résultaient d’une volonté systématique, dans le cadre d’une thématique romaine.

Las ! On fit remarquer que Cicéron, dont le nom était donné aux rues Baudrau et Trudon (« Que la mémoire de Cicéron nous enflamme, et nous apprenne à combattre les conspirateurs ») avait défendu le roi Déjotarus. Une note de Sade précise : « La Commune a désiré que le nom de Socrate fût mis à la place de celui de Cicéron, et l’assemblée a adhéré à ce changement ». Le projet de la section des Piques ne fut pas réalisé. Sade fut arrêté un mois plus tard, le 8 décembre 1793.

 

Sources : L. S. Mercier, L'An 2440, rêve s'il en fut jamais, 1770 ; Gilbert Lely, Vie du marquis de Sade, Jean-Jacques Pauvert éditions, 1982, p. 487

 

Jacques Louis David, La Mort de Socrate, 1787 (détail)