Paris, 18 mars
1793
Aux yeux de Bertrand Barère, «
l’Anacréon de la guillotine », député à la Constituante et membre de la
Convention, les alarmistes constituent une « secte nouvelle » qui se réjouit du
malheur de la patrie et se montre incrédule à l’égard de ses victoires.
Barère tient ces propos lors d’une
séance de la Convention du 16 Floréal an II (5 mai 1794), rapportée par le
Courrier de l’égalité. Il entend discréditer une catégorie de citoyens qui «
crée des terreurs » et « propage des allarmes » : des contre-révolutionnaires*.
La paternité du mot est attribuée à Barère par le Cousin Jacques, qui écrit en
1795 : « mot inventé par Barrère pour caractériser ceux qui répandent, à
plaisir, des nouvelles allarmantes au sein des Révolutions. »
Or, les lecteurs du Bulletin des
amis de la vérité avaient déjà rencontré le mot allarmistes en mars 1793 : «
Izarn-Valady tombe dans le piège des allarmistes, saisit plus vivement cette
terreur panique que les autres, et sort pour jetter l’allarme », ce qui prouve
une origine antérieure à Barère ; ce que confirme le Petit Robert qui, sans
davantage de précisions, donne la date de 1792.
Bien qu’il s’agisse d’un néologisme
dans la langue française, les emprunts aux autres langues, notamment l’anglais,
ne doivent pas être exclus. Dans un extrait du Dictionnaire politique de
Charles Pigott paru en 1792 (le dictionnaire lui-même parut à titre posthume en
1795), une entrée Alarmist met en exergue l’effroi d’hommes politiques anglais,
qualifiés de « misérables », face aux nouvelles venant de France, annonçant
la chute de l’aristocratie et le succès de la Révolution.
Que ce soit pour Barère ou pour
Pigott, les alarmistes agissent contre les intérêts de la patrie. Vils
personnages, ils trahissent leur devoir patriotique en propageant les mensonges.
Mais comment attirer l’attention sans être alarmiste ? Quand l’attention
légitime se transforme-t-elle en une alarme contestée ? Les lecteurs avisés
sauront sans doute trouver la réponse.
Sources : Courrier de l’égalité, 7 mai 1794 ; Beffroy de Reigny (dit le Cousin Jacques) Dictionnaire néologique des hommes et des choses ou notice alphabétique, 1795, s.v. Allarmiste ; Bulletin des amis de la vérité, 18 mars 1793.