samedi 3 août 2024

Commotion

Versailles, 1746 – Paris, 1790

 

En 1784, un certain François Philippe Gourdin, bénédictin de Rouen, écrit à l’académie de Lyon, dont il est membre correspondant :

 

Un jeune homme de ce pays-ci qui s’amuse à faire des expériences d’électricité, ayant chargé la bouteille de Leyde la fit décharger. Il a éprouvé le choc la commotion. Nous avons répété la même expérience en nous promenant dans la maison et nous avons éprouvé la commotion.

 

La rature est significative :  on cherche encore le mot propre pour désigner une sensation nouvelle. L’article défini est également important : la commotion (et non une commotion) renvoie à une expérience commune, une secousse initiatique éprouvée dans plusieurs cabinets d’amateurs à travers toute l’Europe.

Pour décrire la fête de la Fédération du 14 juillet 1790, Louis-Sébastien Mercier emploie, métaphoriquement, la même expression :

 

Dans ce jour solennel, ce fut comme une expérience d’électricité. Tout ce qui touchait à la chaîne dut se ressentir de la commotion. (Nouveau Paris, 1798, chap. XIV)

 

Dans cet ouvrage, Mercier a recours 14 fois au mot commotion (vive, horizontale, verticale, diagonale, sanglante, politique, grande, terrible, désastreuse) pour décrire la ferveur révolutionnaire. 

Le mot « chaîne » renvoie explicitement aux expériences restées fameuses que l’abbé Jean Antoine Nollet avait menées à Versailles en mars 1746 : il s’agissait de faire sursauter une chaîne humaine grâce à l’électricité statique produite par la rotation d’un grand globe de verre. Les comptes rendus de cette expérience sont assez fantaisistes : ce sont tantôt 140 marquises, comtes ou duchesses,  tantôt 180 gardes royaux  qui sursautent en même temps devant la cour réunie. Un demi-siècle plus tard, c’est tout le peuple parisien qui est électrisé.