Paris, été 1790
On sait qu’avant la Révolution, le mot révolution désignait soit le « retour d’un astre au même point dont il était parti », soit un « mouvement extraordinaire dans les humeurs ; qui altère la santé ». Figurément, c’était « un changement qui arrive dans les affaires publiques » (Académie, 1762). D’où une certaine ambiguïté : selon que l’on estime la métaphore astronomique ou médicale, une révolution est le rétablissement (salutaire) d’un ordre originel, ou une maladie (dangereuse).
En 1798, la 5e édition du Dictionnaire de l’Académie précise le contexte historique :
Quand on dit la Révolution, en parlant de l’histoire [d’un] pays, on désigne la plus mémorable, celle qui a amené un autre ordre. Ainsi, en parlant de l’Angleterre, la Révolution désigne celle de 1688 ; en parlant de la Suède, celle de 1772.
La Révolution française ne figure pas dans cette liste des bouleversements politiques dignes de mémoire.
Si la mot révolution est ancien, révolutionnaire (substantif ou adjectif) n’est défini que dans le Supplément contenant les mots nouveaux en usage depuis la révolution :
Révolutionnaire, s. m. Ami de la Révolution.
Révolutionnaire, adjectif. Qui appartient à la Révolution qui est conforme aux principes de la Révolution, qui est propre à en accélérer les progrès, etc. Mesures révolutionnaires. Gouvernement révolutionnaire.
Ledit Supplément ajoute le verbe révolutionner : « mettre en état de révolution ; introduire les principes révolutionnaires dans… »
Révolutionnaire est donc un mot de la Révolution, mais quand est-il précisément apparu ? Nous n’en avons pas trouvé de trace en 1789, ni dans les premiers mois de 1790. Le 11 septembre 1790, à la tribune de l’Assemblée nationale, Mirabeau s’exclame : « Conspiration pour conspiration, supplice pour supplice, j’aime mieux mourir martyr révolutionnaire que martyr contre révolutionnaire ». Quelques jours plus tôt, Camille Desmoulins avait reproché à Joseph-Antoine Cerutti de diviser la nation en trois classes :
les révolutionnaires, les constitutionnaires et les brigands, faisant des révolutionnaires et des brigands, les deux extrêmes également coupables, n’appelant constitutionnaires que ceux qui veulent la constitution comme M. Necker.
En décembre de la même année, révolutionnaire est enfin promu sans équivoque au rang de qualificatif élogieux. Desmoulins salue le décret exigeant que les évêques fassent serment de maintenir la constitution : « il mérite d’être consigné dans ces révolutions, parce qu’il est véritablement révolutionnaire ».
Sources : Journal des départements, districts et municipalités, n° 54 du 17 septembre 1790 ; Révolutions de France et de Brabant, n° 40 (août 1790) et n° 54 (décembre 1790), p. 82.
Desmoulins et Mirabeau