Muscadin
Paris, septembre 1793
Muscadin est un de ces « mots enfantés par la Révolution », que dénonce la presse réactionnaire de l’époque. Le terme lui-même n’était pourtant pas récent : il existait au sens de « petite pastille à manger » (1747), emprunté de l’italien moscardino, lequel désignait une « pastille parfumée de musc » et, par métonymie, « une personne parfumée, élégante ».
En français, le mot est étroitement lié à la jeunesse dorée, dont François Gendron avance qu’elle fut « le principal outil de gouvernement des Thermidoriens et le moteur politique de la Réaction ». Le muscadin est un « jeune fat, d'une coquetterie ridicule dans sa mise et ses manières », dit Le Petit Robert. L’édition actuelle du Dictionnaire de l’Académie insiste sur le contexte politique : muscadin « s’est dit particulièrement, après le 9 Thermidor, de jeunes gens qui, par leur mise, voulaient afficher leur rejet des idées révolutionnaires ».
L’accoutrement inouï de jeunes gens principalement issus de la bourgeoisie parisienne entendait être une protestation infraverbale contre l’austérité des mœurs jacobines, dans les rues, mais aussi dans les théâtres. Si le muscadin est bien un produit de la Convention montagnarde, le mot reste rare dans la presse de 1793 et désigne généralement toute personne soupçonnée de royalisme :
Le muscadin qui a favorisé la prise du général Nicolas, pris à son tour, arrive à Paris pour être livré au tribunal révolutionnaire. (Gazette générale de l’Europe).
Il faut attendre 1795, pour trouver, dans la Quotidienne du 14 avril 1795, une définition qui associe précisément le vestimentaire et le politique, :
Muscadins : Ainsi étaient appelés les hommes qui avaient des culottes et un pourpoint, par ceux qui portaient des pantalons et des carmagnoles. L’expression ayant pris ensuite de la marge, quiconque parlait français, ou ne sentait ni la pipe, ni le rogomme, était un muscadin bafoué et outragé par les bacchantes répandues et payées, pour cet effet, dans tous les quartiers de la ville.
On note que le journal emploie l’imparfait, pour signaler qu’il s’agissait déjà d’une mode révolue.
En 1796, outre muscadin, Snetlage enregistre deux nouveaux verbes : muscadiner et démuscadiner, illustrés par deux citations en français dont nous n’avons pu déterminer l’origine : « Le temps viendra bientôt où on cessera de muscadiner » et démuscadiner : « La Convention nationale employera toutes ses forces pour démuscadiner le jeunesse de Paris ». Les moyens envisagés pour cette rééducation ne sont pas spécifiés.
Le phénomène se prolongea et s’amplifia sous le Directoire, avec les Incroyables et les Merveilleuses, mais il avait alors largement perdu son sens politique.
Sources : Charles Le Roy, Traité de l’orthographe française en forme de dictionnaire, 1747 ; F. Gendron, La Jeunesse sous thermidor, 1983 ; Gazette générale de l’Europe, n° 932, 13 septembre 1793, p. 2 ; La Quotidienne ou Le Tableau de Paris, n° 55, 14 avril 1795, p. 4 ; Leonard Snetlage et Friedrich La Coste, Neues deutschesfranzösisches Wörterbuch, Leipzig, 1796.
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